CDU Glutaraldéhyde
FT171
FICHE TOXICOLOGIQUE N° 171
Édition 1992

CHO-(CH2)3-CHO

Numéro C.A.S.
NO 111-30-8

Synonymes
1,5-Pentanedial
Aldéhyde glutarique

Glutaraldéhyde

Note établie par les services techniques et médicaux de l' INRS


CARACTÉRISTIQUES

Utilisation


- Constituant de préparations bactéricides, notamment pour la désinfection à froid des instruments médicaux.

- Microbicide pour le traitement des eaux de refroidissement industrielles.

- Agent de réticulation des protéines et de composés polyhydroxylés.

- Agent de tannage du cuir.

- Agent d'amélioration de la résistance à l'eau dans les industries papetière et textile.

- Intermédiaire de synthèse.

Propriétés physiques [1, 2]


A l'état pur, le glutaraldéhyde se présente sous la forme d'un liquide huileux ou de cristaux incolores, d'odeur caractéristique. II est soluble en toutes proportions dans l'eau et l'éthanol.
Dans la pratique, ce produit est livré sous forme de solutions aqueuses contenant généralement 25 ou 50%
en poids de glutaraldéhyde. Ce sont des liquides incolores, peu volatils, de réaction légèrement acide.

Les principales caractéristiques physiques du glutaraldéhyde et de ses solutions aqueuses sont les suivantes

1° Glutaraldéhyde

Masse molaire: 100,13


Points d'ébullition 188° C sous pression
atmosphérique, avec décomposition, 71°C sous 1,3 kPa

2° Solution aqueuse à 25%

Point de fusion : - 5° C
Point d'ébullition : 100° C environ
Densité (D20/20) :1,063 à 1,075
Tension de vapeur: 2,2 kPa à 20° C


3° Solution aqueuse à 50%


Point de fusion : -14° C
Point d'ébullition : 100° C environ
Densité(D20/20) : 1,128 à 1,135
Tension de vapeur: 2 à 3 kPa à 20° C

Propriétés chimiques [1, 2]

Le glutaraldéhyde est un produit très réactif qui peut se polymériser en présence d'eau. La réaction de condensation est plus rapide en milieu alcalin et peut devenir violente au contact de bases fortes.
Les solutions aqueuses de glutaraldéhyde légèrement acides sont relativement stables. L'addition d'un stabilisant (par exemple le méthanol) permet de les conserver plus longtemps.
Le glutaraldéhyde et ses solutions aqueuses corrodent de nombreux matériaux, notamment l'acier, le fer galvanisé, l'aluminium, l'étain et le zinc.


Récipients de stockage


L'acier inoxydable et certains plastiques renforcés " fibre de verre " conviennent pour le stockage des solutions aqueuses de glutaraldéhyde. On utilise couramment des récipients revêtus intérieurement de résine phénolique ou mieux, des fûts en polyéthylène protégés par une enveloppe métallique.

Méthodes de détection et de détermination dans l'air

La détermination du glutaraldéhyde dans l'air s'effectue généralement par adsorption des vapeurs sur gel de silice, désorption à l'eau et analyse par l'une des méthodes suivantes

- spectrophotométrie [3, 4],

- chromatographie en phase gazeuse [5, 6],

- le gel de silice peut également être imprégné à la dinitrophénylhydrazine (DNPH), le dérivé caractéristique formé étant désorbé et dosé par HPLC [7].

RISQUES

Risques d'incendie [1, 2]


Les solutions aqueuses de glutaraldéhyde ne sont pas combustibles. II faut néanmoins tenir compte - de la présence comme stabilisant de méthanol. D'autre part, le départ de l'eau, dans des cas exceptionnels, laisse un résidu combustible donnant lieu à des émanations de fumées âcres.


En cas d'incendie où est impliqué le glutaraldéhyde, les agents d'extinction préconisés sont le dioxyde de carbone, l'eau pulvérisée, les mousses et les poudres chimiques; les personnes chargées de la lutte contre l'incendie seront équipées d'appareils de protection respiratoire autonomes et isolants.

Pathologie - Toxicologie

Toxicité expérimentale

Aiguë [8 à 11 ]


Chez le rat, la DL 50 par voie orale est comprise entre 239 et 2380 mg/kg; chez la souris entre 231 et 352 mg/kg.
La DL 50 par voie cutanée chez le lapin se situe entre 640 et 2 560 mg/kg.


La concentration létale la plus basse chez le rat est de 5 000 ppm pour une exposition de 4 heures.

La CL 50 chez le lapin est de 5 000 ppm pour une exposition de 4 heures.
La grande dispersion des valeurs, pour une même espèce, est vraisemblablement liée à l'utilisation de solutions d'activités différentes : le glutaraldéhyde est plus réactif en solutions alcalines qu'à pH neutre; il a également tendance à se polymériser en présence d'eau, ce qui diminue la quantité d'aldéhyde libre actif.

Les manifestations observées sont une irritation intense des muqueuses ou de la peau en contact avec le liquide ou les vapeurs, une agitation, des troubles de conscience et des convulsions. L'autopsie des animaux révèle des lésions caustiques (du tube digestif en cas d'ingestion, des voies respiratoires et des poumons en cas d'inhalation), des atteintes hépatiques, rénales et surrénaliennes.

Les solutions à plus de 20 % de glutaraldéhyde sont fortement irritantes pour la peau; celles à plus de 1 % sont très fortement irritantes pour les muqueuses oculaires.

Subaiguë et chronique [10 à 13]

Des rats ont reçu entre 0,1 et 1,63 g/kg/j de glutaraldéhyde pendant 7 jours; les effets observés sont un amaigrissement chez les animaux recevant la plus forte dose et une diminution des poids du foie et des reins, seulement chez les mâles du même groupe.

Chez des rats recevant 25 ou 125 mg/kg/j, pendant 35 jours, on a noté une hyperleucocytose, une lymphopénie, une anémie, une atrophie des thymus et une atteinte tubulaire rénale.

Trois groupes de 3 rats ont bu pendant 11 semaines une eau contenant 0,1, 0,5 et 1 % de glutaraldéhyde. Aucun signe clinique d'intoxication n'a été noté. Les nerfs périphériques ont été examinés; il n'y avait, histologiquement, aucun risque d'axonopathie.

L'application quotidienne de 0,5 ml d'une solution à 2 % de glutaraldéhyde sur la peau de lapins pendant 42 jours ne fait apparaître aucun signe d'intoxication systémique.

Mutagénèse [14, 15]

Les tests effectués avec le glutaraldéhyde (à des doses inférieures à celles qui font apparaître un effet toxique) ne mettent pas en évidence d'effet mutagéne sur les souches bactériennes habituellement utilisées. II n'est pas non plus observé de mutations ponctuelles, d'échange de chromatides soeurs ou d'augmentation de la synthèse de l'ADN sur cultures cellulaires.


In vivo, le glutaraldéhyde n'induit pas de mutation létale récessive liée au sexe chez Drosophila melanogaster ni de mutation létale dominante chez la souris.


Effets sur la reproduction [16]

Des souris ont reçu, du 6e au 15e jour de la gestation, entre 0,8 et 5 mg/kg d'un produit constitué d'une solution aqueuse à 2 % de glutaraldéhyde mélangée à un tensio-actif non ionique et à de l'acide phosphorique (pH final
2 à 3,7). A la plus forte dose, on note des signes d'intoxication chez les femelles gestantes et dans les portées. Dans ce même groupe, le nombre de nouveau-nés malformés est significativement élevé. Les anomalies observées sont des malformations osseuses (costales et vertébrales), une fente palatine et une exencéphalie. Vu les conditions de l'expérimentation, il n'est pas possible d'imputer les effets signalés au seul glutaraldéhyde.

Toxicocinétique et métabolisme

Comme pour les aldéhydes, il est probable qu'il existe deux voies métaboliques principales:

- l'une est une oxydation par les aldéhydes déshydrogénases qui transformeraient ce dialdéhyde en acide mono- ou di-carboxylique;

- l'autre, une conjugaison avec le glutathion.

Toxicité sur l'homme [17, 18, 20 à 22]

Les projections cutanées ou oculaires de solutions concentrées de glutaraldéhyde sont responsables de lésions caustiques de la peau ou des muqueuses.

Les effets les plus souvent signalés en cas d'exposition professionnelle sont des eczémas allergiques touchant généralement le dos des mains et des doigts. D'autre part, descéphalées ainsi que des manifestations respiratoires irritatives ou allergiques ont également été signalées.
Il n'y a pas d'allergie croisée avec le formaldéhyde. En revanche, une sensibilisation simultanée aux deux produits est fréquente.


Valeur limite d'exposition

En France, le ministère du Travail a fixé pour le glutaraldéhyde la valeur limite d'exposition (VLE) indicative qui peut être admise dans l'air des locaux de travail. Cette valeur correspond à une concentration de 0,2 ppm, soit 0,8 Mg/M3.

 

RÉGLEMENTATION

Hygiène et sécurité du travail


1° Aération et assainissement des locaux


- Articles R. 232-5 à R. 232-5-14 du Code du travail.

- Circulaire du ministère du Travail du 9 mai 1985 (non parue au J.O.).

- Arrêtés des 8 et 9 octobre 1987 (J.O. du 22 octobre 1987) relatifs aux contrôles des installations.

 

2° Valeur limite d'exposition


- Circulaire du ministère du Travail du 19 juillet 1982 (non parue au J.O.)

 

3° Maladies de caractère professionnel


- Article L. 461-6 du Code de la Sécurité sociale et décret du 3 août 1963 (J.O. du 23 août 1963) : déclaration médicale de ces affections.

 

4° Étiquetage

a) Du glutaraldéhyde pur
* arrêté du 10 octobre 1983 modifié (J.O. du 21 janvier 1984).


b) Des préparations renfermant du glutaraldhéhyde y compris les solutions aqueuses :
* arrêté du 21 février 1990 (J.O. du 24 mars 1990).


Protection de la population


Décret du 29 décembre 1988 relatif aux substances et préparations vénéneuses (articles R. 5149 à R. 5167 du Code de la santé publique) (J.O. du 31 décembre 1988) et circulaire du 2 septembre 1990 (J.O. du 13 octobre 1990) :
- détention dans des conditions déterminées,
- étiquetage (cf. 4°).


Transport


Se reporter éventuellement aux règlements suivants :

1° Transport national (route, chemin de fer)

Glutaraldéhyde en solutions acqueuses

- Classe: 8 . Code danger: 80
- Groupe : 83338 . Code matière : 1760
- Étiquette : n° 8


2° Transport international (route, chemin de fer)

- ADR et RID.

3° Transport par air

- IATA.


4° Transport dans les ports mariâmes et par mer


- RPM (arrêté du 27 juin 1951 modifié),

-IMDG (OMCI).

 

 

RECOMMANDATIONS

 

1. Au point de vue technique

Stockage

  • Stocker le glutaraldéhyde et ses solutions dans des locaux frais, bien ventilés, à l'écart des produits basiques et de toute source de chaleur.
  • Le sol des locaux sera imperméable et formera cuvette de rétention afin qu'en cas de déversement accidentel le liquide ne puisse se répandre au dehors.
  • Les récipients seront soigneusement fermés et étiquetés. Reproduire l'étiquetage en cas de fractionnement des emballages.
  • Prévoir, à proximité, des équipements de protection, notamment des appareils de protection respiratoire isolants autonomes pour les cas d'intervention d'urgence ou pour certains travaux de courte durée.

Manipulation

Les prescriptions relatives aux locaux de stockage sont applicables aux locaux où est manipulé le glurataldéhyde. En outre :

  • Instruire le personnel des risques présentés par le glutaraldéhyde et des mesures là prendre en cas d'accident. Les procédures spéciales en cas d'urgence feront l'objet d'exercices d'entraînement.
  • Éviter l'inhalation des vapeurs, en particulier à chaud. Effectuer en appareil clos toute opération qui s'y prête. Dans tous les cas, capter les vapeurs à leur source d'émission.
  • Procéder périodiquement à des contrôles d'atmosphère à la hauteur des voies respiratoires du personnel.

 

  • Éviter le contact du produit avec la peau et les yeux. Mettre à la disposition du personnel des vêtements de protection, des gants et des lunettes de sécurité. Ces effets seront maintenus en bon état et nettoyés après usage.
  • Prévoir l'installation de douches et de fontaines oculaires.
  • Maintenir les locaux et postes de travail en parfait état de propreté.
  • Observer une bonne hygiène corporelle et vestimentaire.
  • Ne jamais procéder à des travaux sur et dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du glutaraldéhyde sans prendre les précautions d'usage [19].

 

  • Ne pas rejeter le produit et ses solutions dans les égouts. Le glutaraldéhyde peut être désactivé par addition avec précaution d'ammoniaque ou de bisulfite de sodium jusqu'à pH neutre ou légèrement alcalin [2].
  • Conserver les déchets dans des récipients clos spécialement prévus à cet effet. Pour les détruire, les brûler en mélange avec un solvant inflammable dans un incinérateur à postcombustion. Lorsque les quantités à détruire sont importantes, les éliminer dans les conditions autorisées par la réglementation (traitement dans l'entreprise ou dans un centre spécialisé).

 

2. Au point de vue médical

  • Éviter d'exposer au glutaraldéhyde les personnes ayant une dermatose des parties découvertes, une maladie respiratoire chronique ou une affection allergique.
  • Après l'admission au poste, au cours des examens médicaux systématiques dont la fréquence est déterminée par le médecin du travail, on recherchera tout particulièrement : des lésions caustiques, une irritation ou des signes d'allergie cutanés, oculaires ou respiratoires.
  • Les projections cutanées ou oculaires nécessitent un lavage immédiat et abondant (10 à 15 minutes) à l'eau. Les brûlures cutanées sont ensuite traitées symptomatique ment. En cas de projection oculaire, le recours à un ophtalmologiste est dans tous les cas nécessaire, après le lavage.
  • En cas d'inhalation suivie de signes d'irritation des voies respiratoires, une hospitalisation est nécessaire, même si l'état clinique du blessé semble s'amender : l'amélioration peut n'être que transitoire.
  • En cas d'ingestion, ne pas faire boire et ne pas faire vomir. Transférer rapidement et dans les meilleures conditions la victime en milieu hospitalier.

 

Bibliographie


1. Aldéhyde glutarique - Fiche de données de sécurité et notice technique. Paris, Compagnie française BASF, 1984.


2. UCARCIDE et AQUCAR - Fiches de données de sécurité et notices techniques. Paris, Union Carbide France, 1983.

3. HAJDU J., FRIEDRICH P. - Reaction of glutaraldehyde with NH compounds. Spectrophotometric method for the determination of glutaraldehyde. Anal. Biochem., 1975, 65, 1, pp. 273-280 et Chem. Abstr. 82-166967 p.

4. SIMONCINI A. et coil. - Rapid spectrophotometric determination of glutaraldehyde. Cuoio, Pelli Mater Concianti, 1975, 51, 2, pp. 119-133 et Chem. Abstr. 83-133414 y.

5. LYMAN G.W. et coil. - Gas chromatographic determination of glutaraldehyde. J. Chromatogr, 1978, 156, 2, pp. 285-291 et Chem. Abstr 89-159656 c.

6. WLISZCZACK W. et al. - Gas
chromatographic determination of the
desinfection agent glutaraldehyde in
hospital air. Mikrochim. Acta., 1977,
2, 3-4, pp. 139-148 et Chem.
Abstr. 88-65347 e.


7. RIETZ B. - Determination of three aldehydes in the air of working environment. Annal Lett., 1985, 18, pp. 2369-2379.

8. Registry of toxic effects of chemical substances, supplément 1983-84. Cincinnati, DHHS (NIOSH), vol. 1, p. 966.

9. CLAYTON G.D., CLAYTON F.E. - Patty's
industrial hygiene and
toxicology, 3e ed., vol. II A.
New York, John Wiley and sons,
1981, pp. 2629-2669.

10. STONEHILL A., KPOR S., BORICK P. Buffered glutaraldehyde, a new chemical sterilizing solution. Am. J. Hosp. Pharm., 1963, 20, pp. 458-465.

11. Toxicology studies on glutaraldehyde (non publié). Union Carbide.

12. SPENCER P., BISCHOFF M., SCHAUMBURG H. -On the specific molecular configuration of neurotoxic aliphatic hexacarbon compounds causing central-peripheral distal axonopathy. Toxicol. Appl. Pharm., 1978, 44, pp. 17-18.

13. VEMITsu N. et coll. - Acute and subacute toxicity studies and local irritation studies of glutaraldehyde. Oyo Yakuri, 1976, 12, pp. 11-32 et Chem. Abstr. 88-99924 f.

14. SLESINSKI R. et coll. - Mutagenicity evaluation of glutaraldehyde in a battery of in vitro bacterial and mammalian test systems. Fd Chem. Toxicol, 1983, 21, pp. 621-629.

15. WATTS P. - Non mutagenicity of glutaraldehyde. Fd Chem. Toxicol., 1984, 22, pp. 1024-1025.

16. MARKS T., WORTHY W., STAPLES R. - Influence of formaldehyde and SONACIDE® (potentiated
acid glutaraidehyde) on embryo and
fetal development in mice.
Teratology, 1980, 22, pp. 51-58.

17. FOUSSEREAU J. - L'eczéma allergique au glutaraldéhyde. Documents pour le médecin du travail, 1985, 23, TA 32, pp. 13-14.

18. BALLANTYNE B., BERMAN B. - Dermal sensitizing potential of glutaraldehyde. A review and recent observations. J. Toxicol Cut. Ocular Toxicol, 1984, 3, pp. 251-262.

19. Cuves et réservoirs. Recommandations CNAM R 119 et R 276. INRS.


20. CAVALHEIRO J.L.- Le glutaraldéhyde une nouvelle cause d'asthme professionnel. Thèse pour le doctorat en médecine, Université Paris 7, Faculté de médecine Lariboisière - SaintLouis, 1989.


21. GARNIER R., CHATAIGNIER D., EFTHYMlou M.L. -Aldéhydes. Encyclopédie médico-chirurgicale. Intoxications, pathologie du travail, maladie par agents physiques 16048 A 50. Paris, Éditions techniques, 1990.

22. JACHUCK S.J. et coll. - Occupational hazard in hospital staff exposed to 2 per cent glutaraldéhyde in an endoscopy unit. J. of the Society of Occup. Med, 1989, 39 (2), pp. 69-71.

source : Document CRAM -FT 171 - 1/1 à 1/4